La Flûte enchantée, Opéra de Nice, 26 Janvier 2025
La Flûte enchantée de Mozart
Hymne à la paix, à l’amour et à la force du couple, conte initiatique et intemporel entre rire et gravité, poésie et insouciance
Joel Prieto – Sydney Mancasola – Joan Martin-Royo – Veroniva Seghers
Antonio Di Matteo – Barnaby Rea – Marc Laho – Tetiana Zhuravel
Direction musicale Jean-Christophe Spinosi – Mise en scène Cédric Klapisch
Départ 9h Place de La Liberté
1°Cat 107 € 2°Cat 94 €
La flûte enchantée (Die Zauberflöte)
Décor de Karl Friedrich Schinkel pour La flûte enchantée 1815 (acte I, scène 1, le royaume de la Reine de la Nuit). Vingt-troisième et dernier opéra de Wolfgang Amadeus Mozart, La flûte enchantée est un Singspiel sur un livret d’Emanuel Schikaneder (1751-1812) [et Ludwig Giesecke (17612-1833) ?], inspiré par deux récits d’un recueil de contes orientaux de Christoph Martin Wieland (1733-1813), Johann August Liebeskind (1786-1789), Friedrich Hildebrand von Einsiedel (1750-1828), Dschinnistan, paru en 1786 : Lulu ou la Flûte enchantée (Lulu oder die Zauberflöte), de Liebeskind, et Les Garçons judicieux (Die klugen Knaben) de Einsiedel. Ce Singspiel, mêlant épisodes chantés et parlés, est une féérie « à machines » et effets spéciaux, Mozart renouant pour l’occasion avec la langue allemande, après avoir composé sur les livrets italiens de Lorenzo Da Ponte (Le nozze di Figaro, Don Giovanni, Cosi fan Tutte). La flûte enchantée a été créée au Theater an der Wieden, à Vienne, dirigé par Emanuel Schikaner le 30 septembre 1791 et fut aussitôt un grand succès, qui n’a pas été, jusqu’à aujourd’hui, démenti. L’argument invraisemblable, naïf, et ses rebondissements et retournements à tiroirs en font un divertissement qui renoue avec les origines de l’opéra populaire intercalant drame et bouffonneries. Mais (d’ailleurs tout aussi naïvement), c’est aussi un opéra porteur de symboles orientalisants et « maçonniques » qui lui donnent une portée à la fois mystérieuse, initiatique et philosophique. Mais comme tout ce qui est invraisemblable, comme dans tout conte fantasque, on y cherche par la simple force des choses des symboles et des morales, qui pourraient donner un sens. Le héros Tamino, un prince, égaré, est attaqué par un serpent géant qui est terrassé par les suivantes de la Reine de la Nuit. Revenant à lui, il rencontre Papageno (ancienne orthographe française : « Papageno »), l’oiseleur (il attrape les oiseaux pour la Reine de la Nuit et sa cour) qui prétend avoir tué le monstre. Il est puni par les suivantes pour avoir menti. Elles lui cadenassent provisoirement la bouche. La Reine de la nuit charge Tamino de délivrer sa fille enlevée par Monostatos et lui confie une flûte aux pouvoirs magiques. Elle ordonne (force) à Papageno de participer à l’expédition, il est doté d’un carillon aux pouvoirs également magiques. Tamino tombe immédiatement amoureux de Tamina à la vue de son portrait. Ils arrivent au pays du très redouté Sarastro (Mozart ?), où Monostatos tient Pamina captive. Une série de rebondissements tirés par les cheveux, truffées de bouffonneries, dignes de feuilletons télévisés de série B s’enchaînent alors, où la dramaturgie est plus portée par les effets d’annonces des dialogues que par les faits. Mais les effets scéniques montrent que le Theater an der Wien n’était pas sans moyens : des montagnes qui s’ouvrent, du tonnerre, des éclairs, des flammes, de l’eau, un sol qui peut se dérober, un verre géant de vin pouvant descendre des cintres (14 tableaux, 64 scènes). Il apparaît que la Reine de la Nuit compte sur sa fille, tombée amoureuse de Tamino à la simple évocation de sa personne, pour poignarder Sarastro, qu’elle finit par comploter avec Monostatos et lui promettre sa fille, qui échappera de justesse au meurtre et tout aussi de justesse au suicide. Sarastro, Tamino, Pamina, Papageno, la Reine de la Nuit. Même si Tamina est assez tôt libérée (mais pas hors de danger), Tamino (mais aussi Papageno, bien plus terre à terre) devra faire la preuve de ses vertus pour mériter Tamina qui reste au pouvoir de Sarastro, roi, dieu, grand-maître du pays, qui apparaît être un sage. Tamino devra être initié et subir les épreuves des trois temples. L’épreuve du silence étant prétexte à un dernier rebondissement, Tamina croyant alors être abandonnée (Tamino ne voulant plus lui parler). Papageno (« Papagei », perroquet en Allemand) ne peut s’astreindre au silence et se priver des plaisirs de la chair, dont la nourriture et les bons vins. Il ne sera pas initié, mais trouvera sa Papagena, sous les traits d’une vieille femme qui se transforme en belle jeune femme (de 19 ans et deux minutes) quand il accepte, après quelques péripéties (plus tard une tentative assez molle de suicide), de l’épouser pour pouvoir quitter le pays de Sarastro. La flûte enchantée n’est pas un opéra maçonnique (cela ne peut exister), mais fait sans aucun doute, de manière fantasque, écho aux rites et symboles maçonniques. On aime relever l’importance du chiffre « 3 », symbole masculin maçonnique, mais aussi symbole de la perfection chrétienne par la Trinité, symbole magique des éléments, terre, feu et eau (que l’on trouve aussi explicitement dans l’opéra). On note que la tonalité générale de l’œuvre est mi♭, soit trois ♭à l’armure (mais l’ensemble est en deux parties ou actes ; toutes les œuvres aux tonalités en 3♭ ou 3 ♯ne sont pas nécessairement inspirées par la franc-maçonnerie), il y a trois couples : Tamino et Pamina, Papageno et Papagena, La Reine de la Nuit et Monostatos, Sarastro étant apparemment célibataire. Les suivantes de la Reine de la nuit sont au nombre de trois, ainsi que les esclaves de Monostatos et les prêtres de Sarastro, il y a aussi les trois garçons qui jouent un rôle non négligeable au royaume de Sarastro, les trois temples. Au-delà du symbolisme, ces symétries participent à l’unité scénique. On peut aussi évoquer la lutte du jour contre la nuit (également explicite), qui n’est pas sans rappeler les Offices des ténèbres… La Descente aux enfers et la Résurrection, entre bien et mal, Dieu et Diable, sur fond de magie païenne. Musicalement, Mozart y déploie toute la panoplie de son art, donne ses airs les plus accomplis, les plus virtuoses, les plus touchants, avec un métier des plus consommés, il assure à l’histoire débridée une unité et de l’émotion, une œuvre qui se rapproche en fait à un mystère populaire.
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